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10 mars 2009 2 10 /03 /mars /2009 08:28
Trois metteurs en scène se sont essayés à l'adaptation sur grand écran du célèbre roman graphique de Alan Moore. Gilliam, Aronofsky et Greengrass ont tour à tour renoncé à ce projet. Et si ils avaient raison ?

Zack Snyder est un réalisateur réputé comme étant passionné et cultivé. Je ne sais pas la considération qu'il faut porter à cette opinion, surtout au pays des yes men et des faiseurs aux billets verts, mais toujours est-il qu'il a acquis sa réputation avec le l'adaptation du 300 de Frank Miller.
D'aucuns ont toujours dit que Watchmen était cinématographiquement inadaptable. Réaliser une adaptation cinématographique suppose la connaissance du sujet de fond, mais surtout une appropriation de l'oeuvre par un auteur de cinéma et non de littérature. Tout livre  (y compris un comic book qui aurait le confort illusoire d'un story board né) compose une ambiance, un univers et des tensions qui sont régis par des règles avant tout littéraires. Les Watchmen sont célèbres non pas pour leurs images exceptionnelles et leur mise en couleur un brin criardes, mais pour le verbe et le ton distancié tranchant véritablement avec des cases désuètes et caricaturales. Les personnages se pensent et vous parlent avec ironie, communique une drôle d'impression d'être à la fois dedans et dehors de leur univers apocalyptique.

Pour adapter et non transcrire un univers qui n'a pas été pensé pour le cinéma, il faut donc volontairement personnaliser l'oeuvre grâce à la mise en scène en donnant une personnalité et une vision qui est celle du metteur en scène. Adapter, c'est donc prendre des risques dans le forme, mais pas nécessairement dans le fond, dès lors que les intentions du scénario correspondent à ceux de l'auteur. Pour respecter les intentions de l'auteur, il est souvent indispensable de plier les dialogues et l'histoire à proprement dit d'un livre, qui correspondent très rarement aux mécanisme du cinéma , de la narration, et du rythme.
Les peureux fascinés par une oeuvre font ce que des générations avant eux ont fait : le décalque, la transcription. Snyder est sans doute un grand fan du livre de Moore, mais il a été incapable d'ingurgiter le propos du film, de le digérer et d'en faire une véritable oeuvre de cinéma qui soit régit par ses propres codes. La distanciation des personnages sur leurs actions, la mélancolie maladive et l'oppression permanente du cataclysme nucléaire sont phagocytées par le respect du mot et du dialogue originels. Les sensations sont passées à la trappe face au respect aveugle du verbe. Le roman qui est un pavé de 400 pages a un rythme cassé qui est nécessairement rythmé par des intermèdes qui donnent la sensation que ce monde sous tension est figé. Ici, les protagonistes passent d'une scène à une autre avec très peu de réflexion et d'introspection. On ignore les tenants et les aboutissants, on suit des scènes cadrées et dialoguées comme dans le roman graphique, mais qui n'ont pas l'émotion et la tension qui sont celles du roman.
Ce n'est pas un défaut de fidélité qui est en jeu, mais un zèle aveugle et une paresse (ou un manque de talent ?) cinématographique qui font échouer tristement mais sans farce ce projet qui aurait du être plus ambitieux.
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28 février 2009 6 28 /02 /février /2009 07:08
  Difficile de comprendre ce choix de traduction française tant le titre original est à la fois plus banal, mélancolique et envoûtant. Coïncidence ou labsus de cinéphile : le film aurait parfaitement sied avec le titre de l'avant dernier Burton.

Toujours est-il que l'académisme a du bon à Hollywood. Cette forme classique avec un découpage linéaire et une grande attention portée à la liberté et l'expression des comédiens est un bestseller. On obtient toujours ce que l'on attend, les intrigues et les attentes du spectateur sont rarement desservis par les réelles intentions du metteur en scène. La grande force du film tient en grande partie de la très belle interprétation de ses comédiens.

Une radieuse desperate housewife (Kate WInslet) contemple avec résignation et tristesse sa vie de suburbian  dans les années 50 ; elle aspire à une autre existence, à une vie dont le passé de son mari serait l'exemple. C'est une trentenaire qui a râté une partie de sa jeunesse et qui désespère d'entrer dans la vie rangée des foyers américains d'après-guerre.
Sa moitié est un Di Caprio frimeur véhiculant une image de rebelle qu'il n'est pas. Il était ce soldat yankee installé un temps enFrance dans sa petite vingtaine et dont la vie pouvait être résumé par  "Ah Paris et les petites françaises". Le confort de la tradition et des habitudes l'emprisonne à devenir quelqu'un de réellement libre comme se devait être le soldat sortant de l'expérience du feu au milieu des années 40.
Revolutionary road, c'est un peu le désespoir de voir sa vie défiler sans jamais ne faire que la regarder de sa cellulle de prison. C'est aussi l'engouement du changement contre la fatigue de l'establishment, le bonheur et la réussite de la vie des autres contre l'apparente molesse et fadeur de la sienne. Déshabiller Paul pour habiller Pierre...

Je crois qu'il important de rappeller que Roger Deakins est sans aucun doute l'un des plus grands chefs opérateur existants. Ce film est la pour nous le rappeler. Le velouté et l'acidité de la lumière et des couleurs soulignent parfaitement la complexité des personnages et de leur existence.

Il ne fait aucun doute qu'avec ce pédigrée trois étoiles, tous ces talents cinématographiques à l'écran méritent amplement le regard et la contemplation pour se rappeler de temps à autre ce qu'est un film et du cinéma dans sa plus noble expression formelle.
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2 janvier 2009 5 02 /01 /janvier /2009 15:45

Après une longue absence que mes lecteurs excuseront, me revoilà de retour en fanfare pour la publication de mon bilan sur les productions cinématographiques de l'année écoulée. Une année généreuse, diversifiée, avec son lot de surprises et de valeurs sûres.

Cette année a été marquée par la mort de grandes figures de l’histoire du cinéma comme Paul Newman ou Stan Winston (merveilleux créateur des monstres sacrés d’Hollywood : Alien, Predator, Terminator), cette année a vu également se briser la montée d’un jeune talent, Heath Ledger. Et puis c’est aussi, la retraite programmée de Joaquim Phoenix, déprimante pour tous les cinéphiles du monde entier. Parmi les déceptions, je ne reviendrais pas sur les les tentatives de non-cinéma où certains excellent (Mon ami Startouffe a écrit un article tout a fait approprié à ce sujet, et dont nous avons beaucoup discuté).

Beaucoup de films m’ont échappé cette année comme Le bon, la brute, le cinglé, Valse avec Bachir, Le Bannissement, Blindness, Redacted, Surveillance, W., Filatures, Lust caution, Paris et tant d’autres…

Parmi la trentaine de films découverts, voici ceux qui me donnent foi en le cinéma. Les 3 premiers ont une place particulière dans mon cœur, les suivants ne sont pas nécessairement inférieurs.

 

 

1.  No country for old men de Joel et Ethan Coen 

 


Une place convenue pour LE grand film qui a ouvert l'année. Le grand retour des Coen après les rafraîchissements inoffensifs qu'ont été Intolerable cruelty et Lady Killers. Les deux metteurs en scène renouent avec cet humour noir qui leur est caractéristique : ils sont impitoyables avec leur(s) héros, personnages attachants mais pathétiques dans leur manière de se débattre face à leur sort tristement scellé. La mise en scène est aride pour un film qui a l'odeur et la tension des plus grands westerns. Javier Bardem en monolithe de feur et de sang est impérial. Un très grand moment de cinéma, et la démonstration que le racolage est l'apanage du commerce, non de l'art.

 

 


2. The Dark Knight de Christopher Nolan 

 


 

Qu'il a été difficile de départager ce film avec son prédécesseur ! The Dark knight est un blockbuster estival, ce qui induit dans le langage des cinéphiles, un film formaté pour les vacances pour le meilleur et surtout pour le pire. Or, rien que pour l'audace d'avoir osé renouveler le genre, sous l'égide de la Warner, Christopher Nolan se doit d’obtenir toutes les récompenses. Je ne reviendrai pas ici sur le propos de ce film dense (voir ma critique). Je redirai simplement qu’il y aura un avant et un après Dark Knight pour les blockbusters et les films de « super héros ». Un très grand film porté par des acteurs exceptionnels, Heath Ledger et Aaron Eckhart en tête. Un chef d’œuvre qui bouscule les clichés et le consensus mou des blockbusters produits par la world company californienne.

 



3. Sparrow de Johnny To


Sparrow est passé inaperçu en salles mais pas par les critiques. Johnny To est une sorte de Woody Allen asiatique. Chaque année, il nous livre ses productions, comme le facteur vous apporte le calendrier. Et à l’instar du petit binoclard new yorkais, Johnnie To ne bâcle pas pour autant ses films. Le polar urbain et nocturne a toujours été son domaine de prédilection. Avec Exilé sorti en 2006, Johnny To a su montré qu’il était capable de sortir de son Hong Kong originel et nous gratifier d’un  néo-western formellement abouti. Cette année, To s’est essayé à tout autre chose, pour le plaisir des rétines et du cœur : la romance. Hong Kong devient Paris des années 1960, son héros fétiche, Simon Yam devient le Jean Paul Belmondo de A bout de souffle. On se met à rêver de Brigitte Bardot dans une magnifique séquence de voiture cabriolet et de cigarette. Un film velouté - oserais-je dire volatile (sparrow = moineau) – et sensuel qui est un pur moment de plaisir sensoriel. Et comme à l’accoutumée, Johnny To nous tue dans une séquence démonstrative de son talent. Un excès de zèle ravissant et écœurant (Ah si seulement je savais faire ça ! snif :().

 


4. Two lovers de James Gray


James Gray est le cinéaste des chuchotements. Il capte la plus petite des émotions et la respecte telle qu’elle est dans toute sa discrétion et sa douceur. Depuis The Yards, James Gray collabore avec un acteur qui ne saurait mieux le comprendre : Joaquim Phoenix. On sait à quel point l’homme est habité par une expérience de vie lourde et déchirante. Chez James Gray plus qu’ailleurs, Joaquim Phoenix montre toute l’étendue des ravages et des déchirements du temps. Il est authentique mais pas transparent. La mise en scène a le don de contribuer à ce mystère, à cette névrose qui n’est pas habituelle. On est pas chez les Dardenne : il ne s’agit pas de montrer la réalité aussi triste soit-elle sans aucune composition formelle. Dans Two lovers, cette petite vie de sentimental se fait art : la douceur de la caméra, la fluidité des plans et les fondus d’ouverture respectent les acteurs. La photographie du film semble elle-même atténuer les tourments de l’âme : elle n’est pas contrastée, donc pas violente, mais homogène dans son écrin gris et ocre. Elle est là pour tempérer la fougue naïve de l’ingénue et réchauffer le dépressif sans verser dans le spleen. Two lovers est l’anti Casanova. C’est de l’amour sans l’égoïsme et la certitude, des sentiments maladifs mais indicibles et sans partage.

 



5. Deux jours à tuer de Jean Becker

 


Jean Becker nous a gratifié de simples et beaux moments de cinéma (Effroyables jardins). Il est en quelque sorte le parangon des fondamentaux, des notions accessibles à tous et sur lesquels il faut se fonder un art et une vie. Deux jours à tuer est l’adaptation d’un livre. Il va s’en dire que ce film est bien écrit. Becker est simple mais rigoureux dans sa manière de diriger les acteurs. Dupontel, bourgeois francilien en crise, est un acteur sensationnel, inique et humain à la fois. Un film rare dans le cinéma français d’aujourd’hui, gangréné par la prédominance du sujet au détriment de la plastique.

 


6. Wall-E  de Andrew Stanton


Dire qu’un Pixar est un grand film est un poncif. Mais avec Wall-E, nous sommes bien au dessus de ce que le studio californien nous a délivré cette décennie. Outre la qualité indéniable de la réalisation, jamais la satire sociale n’est supplantée par la mécanique propre du film d’animation. Dépourvu pratiquement de dialogues, le film n’est pas muet pour autant. Le propos sur l’aliénation des hommes par les hommes est magnifiquement mis en valeur par ces deux petites machines tellement attachantes. Un grand film pour tous.


 

7. Bons baisers de Bruges de Martin McDonagh

 

Film habile au cynisme bien huilé pour ce film dont l’espace est la ville de Bruges. Colin Farrell est le tueur benêt par excellence, Ralph Fiennes est outrageusement sarcastique dans cette figure de parrain froid. Les situations sont assez rocambolesques mais le ton ne vire jamais à la bêtise crasse. C’est décalé mais tendu, jovial mais sec. Très belle surprise.


 

 

8. There will be blood de Paul Thomas Anderson


Un film très ambitieux sur le pouvoir et l’ascension, marqué par la performance inoubliable de Daniel Day Lewis. Une fresque qui rappelle à ses heures celle de Martin Scorsese sur Howard Hughes dans Aviator. Le clinquant de côté, la force et la folie du film tiennent en peu de choses : un cadre ultra rigoureux et une tension épouvantable durant plus de 2h30. Fascinant.

 

 


9. The Mist de Frank Darabont

 

Une juste 9ème place pour ce film honteusement boudé en salles. Un véritable trésor qui a pâti d’une distribution scandaleuse. Le nombre de copies ridicule n’a pas aidé à faire connaître ce film d’épouvante. Frank Darabont a proposé une version en noir et blanc pour rappeler judicieusement à ses détracteurs que les effets numériques sont volontairement datés pour sonner comme un authentique film des années 1950. Il n’empêche qu’il est rare de voir à l’écran autant de bonnes idées dans l’écriture. Darabont, qui s’est fait remballé son script pour Indy 4 par ce tâcheron de George Lucas, démontre ici qu’il sait aussi être acerbe. Il use de métaphores pour souligner la sensibilité américaine à la prophétie et enfonce littéralement le clou avec un final vraiment culotté. Keep working Frank !

 



 

10. Promets-moi de Emir Kusturica


Kusturica a l’habitude des univers rocambolesques dans lesquels ces personnages hauts en couleurs déambulent dans des décors abracadabrantesques. Rien de bien novateur, mais toujours plus de situations absurdes et outrancières, et aucun quiproquo de sa part : Son cinéma est un cirque en plein air où la beaufitude prend des allures d'art. Un univers déjanté qui fait du bien, surtout dans les instants les plus mornes de notre vie.

 

 

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7 août 2008 4 07 /08 /août /2008 11:06

Gotham City est habitée par la folie. Les esprits comme les espaces publics sont le théâtre des manifestations de la souffrance de l’âme. A l’instar des cabinets extraordinaires que l’on trouvait dans les demeures des intellectuels du XVIIIe siècle, cette ville renferme son lot de curiosités de la nature, babioles venues d’ailleurs et personnages atypiques. La petite boutique des horreurs en somme. Chaque épisode de la saga créée par Bob Kane propose son freak, celui qui vient troubler la déjà très agitée ville de Gotham. Les personnages qui gravitent autour de Batman ont un terrain commun avec le plus illustre représentant de la ville : ce sont des psychotiques marqués par une dualité caractéristique.

 

Bruce Wayne n’est pas un enfant mutin. Il est sage et pondéré, passe son temps à écouter les recommandations de ces parents attentionnés et philanthropes. Son père est un grand patron modèle : à la tête d’une riche société d’investissements, il se fait édile et rêve d’aménagements publics estampillés Wayne, inc.. Mais Bruce Wayne est un bambin mystérieux. Pas celui dont on regarde avec méfiance les délires farfelus, mais un comportement discret et retenu qui interroge.

Dans Gotham City, les enfants ont peur. Ils voient la ville se dégrader, et ses voyous empirer. Les gens fuient les espaces publics comme les cadavres du temps de la Grande Peste en Europe. La ville génère certaines phobies sociales, les citadins deviennent agoraphobes.

L’enfant frileux perd ses parents. La mort brusque, furtive vient d’arracher un espace de normalité à cette enfance. Le choc post-traumatique a un effet dévastateur sur ce garçon. Comme les toxiques chez un adolescent à terrain schizophrénique, il met en évidence des troubles graves de comportement.

Bruce Wayne est un homme malade. Le golden boy succède à l’enfant chétif. Il souffre d’un problème d’insertion dans la société urbaine de Gotham. Alors qu’il se pavane avec ses richesses et ses gloires d’un soir, il s’enterre dans son bunker et se fait justicier et défenseur de la vertu. Etrange le Batman…

 

A Gotham plus qu’ailleurs, il est question de psychiatrie. Pour cerner le profil pathologique de notre héros, il convient de s’attarder sur celui de deux autres enfants du chaos :

-L’épouvantail (Scarecrow) interprété par Cilian Murphy est un psychiatre de formation. Il travaille au centre spécialisé d’Arkham, où il diagnostique et prescrit des traitements thérapeutiques à des malades dangereux. Victime de bouffées délirantes suite à la manipulation d’un gaz toxique, il cherche à terroriser la population en faisant de son traitement délirant une normalité à part entière.

-Le Joker est l’autre enfant terrible de Gotham. Plus qu’un farceur potache à la tonalité « pop » (Jack Nicholson ?), c’est un véritable détraqué tout droit sorti d’une UMD français. A lui seul, il représente toutes les dégénérescences mentales engendrées par la ville. Sournois et impulsif, il ignore l’empathie et la compassion. Il agit avec sadisme et perversité.

L’épouvantail comme le Joker partagent leurs acolytes parmi les aliénés de l’institut Arkham. Et puis ils ont la même analyse : ils considèrent le justicier de la nuit comme un des leurs.

 

Schrizophrène, Batman est-il comme le titre le suggère un knight ? Le chevalier est celui qui, adoubé,  épouse les convictions religieuses pour se laisser guider par la foi. Les actions de Batman ne répondent pas à un dogme ou à un guide spirituel. Il n’est pas habité. Il agit pour exorciser des souffrances intérieures. Il est souvent imprévisible et violent.

Héros ? Homme replié sur lui-même, il colle difficilement à l’image d’un personnage altruiste et héraut d’un message de bienfait pour l’humanité. Batman est un égoïste qui agit pour canaliser ses démons intérieurs et relâcher cette violence qu’il renferme depuis sa tendre (sic) enfance. Il ne combat pas la pègre, mais se bat contre lui-même, contre sa propre personnalité. Il déborde, dérape, outrepasse continuellement les règles de société. Batman est un borderline en mal de bien être.  

 

Il existe néanmoins une anomalie dans la progéniture de Gotham. Elle s’appelle Harvey Dent. Contrairement aux autres aliénés de Gotham, Dent est un homme sain d’esprit qui se veut intègre. Nolan en a fait le personnage le plus important, le catalyseur de Batman et du Joker. Un révélateur qui permet d’offrir une profondeur et une densité exceptionnelle au personnage de Batman.

 

Le film s’ouvre par une mise en bouche qui révèle la qualité générale de la mise en scène. Elle est souple et fluide, efficace mais pas tape à l’œil. De la pose et du style mais pas de l’esthétisme esthétisant. Christopher Nolan offre aux spectateurs du monde entier un blockbuster qui remet à plat toutes les bases de ce genre de film calibré pour l’audience de masse. A l’image de son metteur en scène talentueux et discret, The Dark Knight est sobre et dense. C’est un film qui ne cède pas à la facilité de l’image, mais qui propose au contraire, la construction d’un espace simple à des acteurs qui n’ont qu’à révéler toute l’étendue de leur palette. Le spectateur est à l’honneur devant cette somptueuse démonstration que le racolage est l’ennemi de l’art. The Dark knight vient de tuer la concurrence et donner une leçon d’humilité à tous les tâcherons et prétentieux de service à Hollywood.

 

 

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17 avril 2008 4 17 /04 /avril /2008 10:30
Il s’en est passé des choses en deux ans.

Presque autant que dans le Southland lui-même, gigantesque catalyseur du monde et de ses représentations culturelles. Depuis 2006, Richard  Kelly a le privilège d’avoir foulé l’entrée de la caste des réalisateurs maudits, ceux dont la censure ou la critique ont jeté l’opprobre et (dé) labellisé de leur dégoût toutes les grandes œuvres malades…

L’étiquette. Voilà ce qui relie l’inquisition cinéphilique et le propos de l’artiste. Southland Tales est une réflexionsur la règle de l’étiquette. Elle fut jadis, celle des hommes chaussant des souliers à talons rouges ; aujourd’hui elle est celle des rednecks endimanchés, des célébrités ratées en mal de reconnaissance, des tâcherons vindicatifs et complexés devant les génies artistiques et intellectuels.


Southland Tales, c’est la revanche du nerd et du tocard sur la bien-pensance de l’aréopage des Grands respectés de ce monde. Le cri des mal-aimés complexés qui cherchent un endroit pour être ce qu’ils sont : ordinaires et/ou superficiels.

Les héros chez Richard Kelly ne triomphent pas sur les cerveaux du monde, mais leurs destinées rencontrent l’ordinaire et l’extraordinaire. Ils veulent exister et avoir un droit d’assise sur le gradin de l’assemblée : Faire partie du monde, en discuter et rester eux-mêmes (Sarah Michelle Gelar, actrice porno faisant un talk-show live).  Dans le Southland, le baron de la science astrophysicienne ou océanographe (on ne sait plus trop) n’a pas beaucoup plus de valeur que la naïve et candide porn star Krysta.  Boxer Santoros n’est que la représentation d’un  homme ordinaire (Dwayne Johnson) propulsé dans le star et politicalLes derniers seront les premiers » disait un barbu charpentier. système (Santoros-The Rock). A t-il moins d’importance que ceux qui pensent et théorisent ? La tragédie que subissent tour à tour les néo-marxistes semble prouver le contraire.

Mais que se passe t-il d’incroyablement réjouissant et extravagant dans le Southland ? Rien.  Alors, c’est un drame avec beaucoup de pompiers ?  Non.
C’est la fin du monde…. avec la fanfare et la résignation, mais sans les larmes.

L’apocalypse de Richard Kelly est celui de Moby. La crise est un curieux mélange de mélancolie, de contemplation et d’accomplissement devant ce qui devient curieusement le néant. Religieux ? Il y a certes une montée dans le ciel de la camionnette de Christophe Lambert, mais elle stagne comme l’auditeur chez Moby qui flotte dans les vastes usines désaffectés.

Il y a bien des « think tanks » chez les Républicains et les néo-marxistes ?  Des gens responsables qui participent à sauver le monde de la damnation ? Sombres manipulateurs et/ou ridicules  calculateurs, ils sont responsables mais pas coupables… Le monde prend fin, et il n’y a rien à ajouter, sinon contempler dans un mélange de solitude et d'euphorie perpétuelle.

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8 février 2008 5 08 /02 /février /2008 07:53
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Le film de monstre est à la fois un genre matriciel et désuet. Les balbutiements du cinéma ont été le champ d'expression d'une multitude d'apparitions d'animaux fantastiques, d'attaques bestiales qui font peser de terribles menaces sur la pauvre humanité alors dessoudée. Le monstre peut être attachant (Godzilla naît en 1954 par les studios Toho qui ont produit Akira Kurosawa). En sus d'être l'occasion de démontrer les progrès techniques du septième art, le terrible monstre cristallise un certain nombre de sujets comme la menace de l'urbanisation tokyoïte sur la nature et la peur de l'arme atomique. Deux thèmes enfouis au plus profond de la culture japonaise, et qui réapparaissent de manière récurrente au cinéma comme dans la littérature. Aux Etats-Unis, passés les années 1930 et ses monstres issus des studios Universal, le genre a été porté à un degré de représentation critique voire parodique avec les créations de Ray Harryhausen. Le précurseur de l'animation en volume (image par image ou stop motion), a donné au monstre une dimension mythologique et cyclique, qui peut faire sourire aujourd'hui, mais qui a incroyablement transfiguré le monstre et le cinéma d'animation en général.

Depuis deux décennies, le genre peine à se renouveler. Pis, le monstre a fait profil bas au profit du cataclysme naturel toujours plus fort et puissant. Ce cinéma s'est englué progressivement dans un modèle formaté tant du point de vue de la mise en scène, que du déroulement de l'histoire. La réalisation est au mieux académique, quand elle n'est pas molle et ampoulée par une musique pompier et une overdose de scènes pathos-logiques qui suscitent le dégoût. On retrouve ce problème dans l'écriture du film que l'on peut résumer en ceci : "Dans un premier temps, personne n'est supposée y croire, puis la population subit - parfois avec humour, pendant que les héros, une poignée d'anonymes greffées au noyau de pompiers ou de yankees, parviennent à triompher et célébrer dans une scène finale à caractère religieux, la gloire de l'humanité". Accolez à l'ensemble n'importe quel titre d'un film dont vous avez le souvenir, et vous aurez un exemple de ce cinéma paresseux.

C'est du côté de l'Asie que l'on a assisté à la meilleure tentative de régénération d'un sujet vidé de sa substance. Dans son film The Host, sorti en 2006, le coréen Bong Joon-Ho a réussi à faire tenir l'équilibre entre la terreur, la satire sociale et la réflexion sur le comportement des masses et de la société civilisée. 

Aux jeux du renouvellement cinématographique, Cloverfield est le représentant honorable des Etats-Unis. Si le film va moins loin dans l'étude de la société et de son fonctionnement que son homologue asiatique, il n'est pas moins éprouvant et enrichissant. Eprouvant parce que pénible. En effet, le film de Matt Reeves marche sur les pas de The Blair Witch Project (1999) et de la fiction à forme de documentaire volé et/ou amateur. C'est le premier point auquel il convient de saluer la démarche de Matt Reeves. Le cinéaste recherche de nouvelles sensations en employant des méthodes filmiques qui proviennent bien souvent de la sphère non professionnelle du cinéma. Cela dit, la caméra survoltée et hésitante n'est pas synonyme de facilité, et l'oeuvre d'un cinéaste se voit, aussi bien dans le choix du sujet filmé que dans le montage, assurémment la grande force du film.

Outre les qualités terrrorisantes du film, la réalisation de Matt Reeves est enrichissante pour plusieurs raisons. Elle témoigne que l'image vidéo a tendance a suscité plus de réaction que l'image cinématographique. Cela signifie tout simplement qu'à l'heure des "appareils vidéo" miniaturisés et de l'accessibilité de la diffusion video sur Internet, le spectateur est aussi l'acteur. La vidéo fait son cinéma, et ce type d'image est devenu un objet de fascination. Cette distinction entre image cinématographique et image vidéo est intéressante car elle en démontre également les limites. Si l'image vidéo - et la caméra au poing - connaît autant de succès, c'est en raison de son caractère supposé "réel" parce qu'inné, sans démarche artistique. Le réel serait donc dans l'instant et dans le caractère amateur de l'objet, ce qui incite le spectateur au refus de la mise en scène pour une mise en situation, c'est à dire, un déni de démarche subjective de la part du caméraman et du cinéaste. Autrement dit, l'illusion est de croire que le vrai est dans l'instant et dans la vidéo. Que le cinéma serait alors nécessairement une mise en scène, et donc du faux et de l'irréel. Le danger est de voir dans l'image vidéo amateur la réalité, car vive et nécessairement objective. (Cf. le faux documentaire tourné en Irak par De Palma - Redacted en salles le 20/02/08). Il faut donc rappeler que l'image qu'elle soit de la main d'un amateur ou d'un "professionnel" est à jamais faite de choix personnels, qu'elle implique des choix de plans, de sujets, d'acteurs, de dialogues. Le documentaire lui-même met en situation, et dirige les personnes représentées à l'écran. Le réel ne dépend que de la manière dont les spectateurs se représentent le sujet par la connaissance de celui-ci. Un film peut être réaliste sans être amateur, vrai tout en étant formellement académique.

Cloverfield est un film audacieux et terrorisant. Le cinéaste a compris que l'installation de la terreur se fait par l'absence d'information et de représentation du danger. Lorsque l'on l'a cerné, contourné, on l'appréhende plus facilement, et la terreur réelle ou artistique s'amoindrit. Cette démarche prometteuse n'est pas poursuivie tout au long du film, mais l'intiative est à saluer tout comme la volonté d'expurger le film des codes monolithiques du genre, à savoir ces figures féminines pathétiques et celui du héros supposé sauver le monde de la créature infernale (sic).

Une réussite singulière, dont la mise en scène (j'insiste) est intéressante et intriguante quant à la définition de l'image et de son contenu - réel - par le spectateur.

1933), mais il est toujours l'expression de l'effroi et la réflexion sur les rapports entre la population et les risques. Au Japon,
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3 janvier 2008 4 03 /01 /janvier /2008 00:03
largeposter-255646.jpgLa science fiction est un genre très particulier. Elle n'est pas le fantastique, pas plus que le thriller à caractère spatial. Beaucoup de films ont eu et - auront - la prétention de s'inscrire dans ce registre noble mais difficile. Depuis quelques années, le genre a été vidé peu à peu de sa substance, et son étiquette s'est vue galvaudée. Depuis les chefs-d’œuvre matriciels comme Métropolis ou 2001, peu de films ont réussi à faire honneur à l'un des plus beaux fleurons du cinéma. En effet, il va s'en dire que le septième art est un magnifique véhicule pour un domaine qui s'exprime particulièrement par la plastique et le mouvement.

Faire de - belles - images d'un monde "futuriste" n'est pas de la science fiction, pas plus que de représenter le plus bel outillage des ordinateurs intergalactiques d'aujourd'hui (sic). Faire de la science fiction, c'est s'interroger sur le conflit qui existe entre le naturel et l'artificiel, entre l'existence organique, et les phénomènes incompatibles avec l'état naturel. Le grand maître Philip K. Dick qualifiait la science fiction de questionnement sur la place de l'homme, de la notion même d'humanité dans un univers qui pourrait devenir purement artificiel.

Depuis Blade Runner, étalon en la matière, la science fiction cinématographique a vécu sa traversée du désert. Quelques films sont sortis d'un flot d'incongruités et de déchets spatio-temporels en tous genres. Le Sunshine de Danny Boyle et le dernier film de Marc Caro sont de ceux là.

Même si Dante 01 demeure quelque peu bancal et traversé par une certaine mystique chrétienne qui fera hérisser les poils des plus athées et rationnels des cinéphiles, il est empreint d'une vraie personnalité et fait l'objet d'une véritable démarche de metteur en scène, sans être complètement lisse comme bon nombre de tentatives des faiseurs de film d'aujourd'hui.


Omettons l'aspect christique et eschatologique pour se concentrer sur l'enjeu purement scientifico-fictif de ce film français original. Dans la science fiction d'hier et d'aujourd'hui, l'être humain est un sujet isolé et dispersé. Ici, et bien plus loin que dans 2001 ou Sunshine (pour offrir un exemple des plus frais), le contact avec le reste du monde n'est pas identifiable. Pas de transmission radio, pas de dialogue avec "le monde" extérieur. C'est en cela que le film rebondit sur une question doublement pertinente. Puisque l'homme est un être devenu solitaire, qu'est ce que "le monde" ? Qu'est ce que l'humanité (cette entité qui rassemble une communauté de la même espèce) si la règle d'organisation est la dispersion ? L'espace-temps (celui par exemple qui sépare la navette à une autre station : 2 années) interdit le lien physique qui confère à l'humanité son sens. Il n'y a donc plus d'humanité chez Dante 01, mais des humains esseulés. C'est alors qu'une terrifiante sensation de vertige spatio-temporel envahit tant notre affect que notre raisonnement sur notre propre condition.

Seul, l'humain ne partage plus un territoire où il s'ancre collectivement avec le reste du monde. Le lien est rompu, et l'enracinement a disparu. Il vit sur des systèmes artificiels (stations), qui n'ont plus rien à voir avec une entité naturelle comme la Terre (elle porte bien son nom).


C'est alors que la dichotomie classique organique/artificiel prend toute sa mesure. Les personnages de Dante 01 sont animés d'une rationalité qui cherche à éliminer la superficialité et l'anomalie. C'est un monde de purs froids qui luttent contre l'organicité du corps. Aux machines et et à la science froide s'opposent les fluides que l'on retrouve sur l'extérieur (la peau) comme à l'intérieur des différents protagonistes. Le mal est symboliquement représenté par une entité organique, sorte d'araignée répugnante parce que visqueuse, qu'il faut répudier de son corps. Ce n'est d'ailleurs pas le fluide qui cure le mal, mais le composant mécanique qui se sert du fluide pour modifier la nature du corps. La psychogénéticienne interprétée par Linh Dan Pham en est le parangon. Rigide et mal à l'aise dans ce rôle taillé sur mesure, elle incarne une femme-machine au crâne rasé dont la seule finalité est d'être fonctionnelle. Son entrée en scène coïncide avec la mise à nu de sa "mécanique" dans une scène de douche purifiante.


Accolés à la planète Dante, enfer de feu accueillant dans son orbite un purgatoire judiciaire (Dante 01), les humains sont condamnés parce que corrompus. Cette corruption est rachetée religieusement par le sacrifice christique de Saint-Georges, qui est une facilité scénaristique non dépourvue de caractéristiques esthétiques fascinantes mais un peu déplacée dans cette représentation scientifique. Dans toute œuvre de science-fiction qui se doit, le questionnement et la démonstration de la condition et de la place de l'homme dans l'univers débouchent sur une proposition qui cherche à concilier le conflit exposé précédemment. Face à l'extrême représenté par le scientisme, l'auteur répond maladroitement par l'extrême religieux. Pour combattre la science triomphante et asservissante, l'ermite des temps futuristes trouvera la réponse dans l'accompagnement rédempteur de Dieu et de ses compagnons les saints. Cette idée saugrenue omise, le film de Marc Caro aurait probablement côtoyé les Grandes étoiles du cinéma de science fiction. Dommage.

 

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