Après une longue absence que mes lecteurs excuseront, me revoilà de retour en fanfare pour la publication de mon bilan sur les productions cinématographiques de l'année écoulée. Une année généreuse, diversifiée, avec son lot de surprises et de valeurs sûres.
Cette année a été marquée par la mort de grandes figures de l’histoire du cinéma comme Paul Newman ou Stan Winston (merveilleux créateur des monstres sacrés d’Hollywood : Alien, Predator, Terminator), cette année a vu également se briser la montée d’un jeune talent, Heath Ledger. Et puis c’est aussi, la retraite programmée de Joaquim Phoenix, déprimante pour tous les cinéphiles du monde entier. Parmi les déceptions, je ne reviendrais pas sur les les tentatives de non-cinéma où certains excellent (Mon ami Startouffe a écrit un article tout a fait approprié à ce sujet, et dont nous avons beaucoup discuté).
Beaucoup de films m’ont échappé cette année comme Le bon, la brute, le cinglé, Valse avec Bachir, Le Bannissement, Blindness, Redacted, Surveillance, W., Filatures, Lust caution, Paris et tant d’autres…
Parmi la trentaine de films découverts, voici ceux qui me donnent foi en le cinéma. Les 3 premiers ont une place particulière dans mon cœur, les suivants ne sont pas nécessairement inférieurs.
1. No country for old men de Joel et Ethan Coen
Une place convenue pour LE grand film qui a ouvert l'année. Le grand retour des Coen après les rafraîchissements inoffensifs qu'ont été Intolerable cruelty et Lady Killers. Les deux metteurs en scène renouent avec cet humour noir qui leur est caractéristique : ils sont impitoyables avec leur(s) héros, personnages attachants mais pathétiques dans leur manière de se débattre face à leur sort tristement scellé. La mise en scène est aride pour un film qui a l'odeur et la tension des plus grands westerns. Javier Bardem en monolithe de feur et de sang est impérial. Un très grand moment de cinéma, et la démonstration que le racolage est l'apanage du commerce, non de l'art.
2. The Dark Knight de Christopher Nolan
Qu'il a été difficile de départager ce film avec son prédécesseur ! The Dark knight est un blockbuster estival, ce qui induit dans le langage des cinéphiles, un film formaté pour les vacances pour le meilleur et surtout pour le pire. Or, rien que pour l'audace d'avoir osé renouveler le genre, sous l'égide de la Warner, Christopher Nolan se doit d’obtenir toutes les récompenses. Je ne reviendrai pas ici sur le propos de ce film dense (voir ma critique). Je redirai simplement qu’il y aura un avant et un après Dark Knight pour les blockbusters et les films de « super héros ». Un très grand film porté par des acteurs exceptionnels, Heath Ledger et Aaron Eckhart en tête. Un chef d’œuvre qui bouscule les clichés et le consensus mou des blockbusters produits par la world company californienne.
3. Sparrow de Johnny To
Sparrow est passé inaperçu en salles mais pas par les critiques. Johnny To est une sorte de Woody Allen asiatique. Chaque année, il nous livre ses productions, comme le facteur vous apporte le calendrier. Et à l’instar du petit binoclard new yorkais, Johnnie To ne bâcle pas pour autant ses films. Le polar urbain et nocturne a toujours été son domaine de prédilection. Avec Exilé sorti en 2006, Johnny To a su montré qu’il était capable de sortir de son Hong Kong originel et nous gratifier d’un néo-western formellement abouti. Cette année, To s’est essayé à tout autre chose, pour le plaisir des rétines et du cœur : la romance. Hong Kong devient Paris des années 1960, son héros fétiche, Simon Yam devient le Jean Paul Belmondo de A bout de souffle. On se met à rêver de Brigitte Bardot dans une magnifique séquence de voiture cabriolet et de cigarette. Un film velouté - oserais-je dire volatile (sparrow = moineau) – et sensuel qui est un pur moment de plaisir sensoriel. Et comme à l’accoutumée, Johnny To nous tue dans une séquence démonstrative de son talent. Un excès de zèle ravissant et écœurant (Ah si seulement je savais faire ça ! snif :().
4. Two lovers de James Gray
James Gray est le cinéaste des chuchotements. Il capte la plus petite des émotions et la respecte telle qu’elle est dans toute sa discrétion et sa douceur. Depuis The Yards, James Gray collabore avec un acteur qui ne saurait mieux le comprendre : Joaquim Phoenix. On sait à quel point l’homme est habité par une expérience de vie lourde et déchirante. Chez James Gray plus qu’ailleurs, Joaquim Phoenix montre toute l’étendue des ravages et des déchirements du temps. Il est authentique mais pas transparent. La mise en scène a le don de contribuer à ce mystère, à cette névrose qui n’est pas habituelle. On est pas chez les Dardenne : il ne s’agit pas de montrer la réalité aussi triste soit-elle sans aucune composition formelle. Dans Two lovers, cette petite vie de sentimental se fait art : la douceur de la caméra, la fluidité des plans et les fondus d’ouverture respectent les acteurs. La photographie du film semble elle-même atténuer les tourments de l’âme : elle n’est pas contrastée, donc pas violente, mais homogène dans son écrin gris et ocre. Elle est là pour tempérer la fougue naïve de l’ingénue et réchauffer le dépressif sans verser dans le spleen. Two lovers est l’anti Casanova. C’est de l’amour sans l’égoïsme et la certitude, des sentiments maladifs mais indicibles et sans partage.
5. Deux jours à tuer de Jean Becker
Jean Becker nous a gratifié de simples et beaux moments de cinéma (Effroyables jardins). Il est en quelque sorte le parangon des fondamentaux, des notions accessibles à tous et sur lesquels il faut se fonder un art et une vie. Deux jours à tuer est l’adaptation d’un livre. Il va s’en dire que ce film est bien écrit. Becker est simple mais rigoureux dans sa manière de diriger les acteurs. Dupontel, bourgeois francilien en crise, est un acteur sensationnel, inique et humain à la fois. Un film rare dans le cinéma français d’aujourd’hui, gangréné par la prédominance du sujet au détriment de la plastique.
6. Wall-E de Andrew Stanton
Dire qu’un Pixar est un grand film est un poncif. Mais avec Wall-E, nous sommes bien au dessus de ce que le studio californien nous a délivré cette décennie. Outre la qualité indéniable de la réalisation, jamais la satire sociale n’est supplantée par la mécanique propre du film d’animation. Dépourvu pratiquement de dialogues, le film n’est pas muet pour autant. Le propos sur l’aliénation des hommes par les hommes est magnifiquement mis en valeur par ces deux petites machines tellement attachantes. Un grand film pour tous.
7. Bons baisers de Bruges de Martin McDonagh
Film habile au cynisme bien huilé pour ce film dont l’espace est la ville de Bruges. Colin Farrell est le tueur benêt par excellence, Ralph Fiennes est outrageusement sarcastique dans cette figure de parrain froid. Les situations sont assez rocambolesques mais le ton ne vire jamais à la bêtise crasse. C’est décalé mais tendu, jovial mais sec. Très belle surprise.
8. There will be blood de Paul Thomas Anderson
Un film très ambitieux sur le pouvoir et l’ascension, marqué par la performance inoubliable de Daniel Day Lewis. Une fresque qui rappelle à ses heures celle de Martin Scorsese sur Howard Hughes dans Aviator. Le clinquant de côté, la force et la folie du film tiennent en peu de choses : un cadre ultra rigoureux et une tension épouvantable durant plus de 2h30. Fascinant.
9. The Mist de Frank Darabont
Une juste 9ème place pour ce film honteusement boudé en salles. Un véritable trésor qui a pâti d’une distribution scandaleuse. Le nombre de copies ridicule n’a pas aidé à faire connaître ce film d’épouvante. Frank Darabont a proposé une version en noir et blanc pour rappeler judicieusement à ses détracteurs que les effets numériques sont volontairement datés pour sonner comme un authentique film des années 1950. Il n’empêche qu’il est rare de voir à l’écran autant de bonnes idées dans l’écriture. Darabont, qui s’est fait remballé son script pour Indy 4 par ce tâcheron de George Lucas, démontre ici qu’il sait aussi être acerbe. Il use de métaphores pour souligner la sensibilité américaine à la prophétie et enfonce littéralement le clou avec un final vraiment culotté. Keep working Frank !
10. Promets-moi de Emir Kusturica
Kusturica a l’habitude des univers rocambolesques dans lesquels ces personnages hauts en couleurs déambulent dans des décors abracadabrantesques. Rien de bien novateur, mais toujours plus de situations absurdes et outrancières, et aucun quiproquo de sa part : Son cinéma est un cirque en plein air où la beaufitude prend des allures d'art. Un univers déjanté qui fait du bien, surtout dans les instants les plus mornes de notre vie.