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7 mars 2010 7 07 /03 /mars /2010 10:24
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Inutile de passer par quatre chemins pour exprimer la déception que représente le dernier film de Scorsese. Alors oui, l'ami Marty vient de me décevoir, et c'est une première si j'omets la tièdeur ressentie devant Gangs of New York.
Le flamboyant cinéaste qui a donné une nouvelle vitalité dans les années 1970 au cinéma d'Hollywood a perdu cette fougue et ce don de raconter des histoires cinématographiques. La montagne du cinéma "bigger than life" a accouché d'une souris. Le point de départ : un roman éponyme et aun auteur célèbre : Dennis Lehane.
Contrairement aux romano-philes qui s'égarent en salles et qui réaffirmeront la tout puissance du livre sur le film, je crois qu'on est faceà un problème de fidélité.
Scorse n'a pas écrit et se voit affublé de l'écrivain en personne au contrôle de la production. On peut donc conjecturer que le metteur en scène a été guidé (trop ?) par le gestateur. L'homme du mot a pris le dessus de l'homme des images. Scorsese dirige ses acteurs sans grande conviction. La monteuse - Thelma Schoomaker - de  Scorsese fait des prouesses dans la premirèe demie-heure pour laisser place à un montage plan-plan uniquement construit sur de répétitifs champs/contrechamps dialogués. La mise en scène est figée et désespérément anémique : les 2/3 du film sont conduits par de très longues conversations qui ne peuvent par elles seules donner le rythme qu'il convient à un film de 2h15. Il se passe bien peu de choses à Shutter Island, et surtout bien peu de subversion.... ce qui est un comble pour un film qui s'appuie sur les mécanismes du thriller. Un film plat qui devrait marqué très modestement la filmographie génialement prolifique d'un des plus grands réalisateurs au monde.
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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 13:54
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Un petit billet  destiné à tous ceux qui me suivent pour signaler que je suis en plein processus de préparation/écriture d'un court/moyen métrage. Le script est bien entamé et les moyens techniques et de production vont être discutés et négociés au fil des semaines à venir.
C'est un projet de longue date, pour un cinéphile qui aimerait passer de l'autre côté de la barrière du monde merveilleux du cinéma. L'entreprise n'est pas une sinécure, mais avec persévérance, je pense que celà aboutira au moins à quelque chose.

Si vous avez des adresses, des contacts en matière de cast ou de composition musicale.... Toute information est bonne à prendre.
Merci à vous tous ;)
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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 11:01
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Le cinéaste coréen Bong Joon-ho s'est fait remarqué en 2003 avec le discret mais non moins marquant Memories of murder. En 2006, il a surpris son public avec un film de monstre à caractère socio-politique : The host. La sortie cette année de Mother confirme tout le bien que l'on pense de son cinéma. Un drame sur son fond de thriller qui pose avec une acuité toute déconcertante la puissance parfois transgressive et borderline de l'amour d'une mère pour son fils.

Plutôt que de revenir en détail sur les nombreuses qualités artistiques de ce film, je voudrais simplement décomposer une séquence qui est parfaitement représentative d'une maîtrise sans faille du langage cinématographique. Je rassure mes lecteurs qui n'auaient pas encore vu ce film mais qui seraient curieux de lire ce qui suit : j'évite au maximum tout spoiler sur l'intrigue du film pour laisser intact votre plaisir de découverte en salles ou chez vous.


Le contexte est le suivant : L'héroïne principale est une mère qui cherche à défendre son fils de certaines accusations. Elle mène sa propre investigation, et n'hésite pas à recourir à des moyens peu orthodoxes. La séquence a pour background un parc d'attractions désaffecté. La mise en scène est extrêmement efficace. Elle tente de faire ressortir avec le plus de précision l'ambiguité des conséquences de ses intentions. C'est aussi une très belle mise en images du passé dans le présent au coeur même du récit.



1. La mère est déterminée dans sa volonté de découvrir la vérité. Plan de nuit. L'obscurité renforce l'expression presque émaciée de cette femme qui cache malgré tout, une fragilité dans son action, plus que dans dans ses intentions.
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2. Incapable de gérer elle-même cette action, elle passe la main.

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3. Le travelling vertical nous fait découvrir progressivement l'homme de main, qui dégage une inquiétude en même temps qu'une certaine "assurance" dans la gestion des "conflits humains" (sic).

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4. La confrontation démarre. Travelling horizontal qui suit l'accélération du personnage et de sa volonté de parvenir à ses fins.

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5. Contre-plongée pour donner un caractère impressionnant au personnage central. La plongée et l'alignement servil des deux hommes clés cherchent à mieux les écraser. Le grotesque de leur jeu et de leur  posture (l'un deux se relève et implore en tirant la langue) rappelle que le cinéma asiatique met toujours en avant la joute et le rapport de force dans les relations humaines.

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6. Notre homme de main les met à l'épreuve. La caméra suit la rotation de la porte de la nacelle du manège où ils sont enfermés. Plan large sur la manière dont il les amène. Plan serré sur le verrou de la cage de la nacelle. Tout est efficace, méthodique, précis.

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7. L'interrogatoire commence. Pour montrer les liens entre le passé et le présent, des personnages apparaissent et disparaissent comme si les mots de celui qui passe aux aveux pouvaient faire resurgir un fragment de la réalité passée. La transition est habile et la caméra, en descendant, montre un morceau de réalité d'hier, ancrée dans le présent de la nacelle.

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8. La tension monte. Un plan de détail sur une partie du visage du personnage interrogé nous donne immédiatement le ton. Un plan de l'héroïne qui récule dans l'ombre souligne son irresponsabilité par rapport aux conséquences physiques de cette confrontation. Aucun plan n'est de trop. Pas besoin d'insister de manière démesuré sur la violence du choc ou de l'étendue des possibilités de notre homme de main. Un plan de soulier laissant une empreinte de sang sur le sol métallique du manège est parfaitement à sa place.

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Cette petite séquence découpée et illustrée a pour but de souligner l'importance du travail sur la manière de raconter par le plan. Le film Mother comprend un certainnombre de passages dont l'extrait ci-contre, qui sont de formidables démonstrations de la valeur et de l'importance du langage cinématographique.
Libre à vous maintenant de l'analyser selon votre propre rapport à l'image. En effet, et c'est d'ailleurs tout l'intérêt du cinéma, son langage partage des bases universellement connues par le public, mais il n'est jamais le même. Chaque metteur en scène a une manière de le construire et de reposer cette construction sur l'interaction avec les spectateurs.

Les images ont été tirées du Blu-ray coréen disponible sur le marché asiatique.  Pour les anglophones, ce blu-ray comporte des sous-titres anglais. Vous le trouverez chez Yes-asia.com.
Pour les autres, vous avez la chance de le découvrir actuellement en salles ou d'attendre la sortie française (dans 4 mois) en DVD ou Blu-ray.

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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 10:16
Mr_Nobody_300.jpgChaque année, il y a des films injustement boudés, méprisés ou tout simplement ignorés par le public. Si cette indifférence a souvent un lien avec la qualité intrinsèque du film, la notoriété d'un film repose malheureusement sur la communication journalistique.
Mr. Nobody fait partie de ces films qui essuient la vindicte de l'aréopage des journaleux, subissent l'ostracisme injuste des "docteurs es cinéma" de la critique. On se demande parfois si nos chers "professionnels" du je-m'assis-pour-regarder-un-film sont encore du côté de l'art - tout entier - du cinéma.
A force de les lire, on comprend qu'ils ont une logique d'encensement et de mépris qui reposent avant tout sur un paradigme du cinéma (pour reprendre la notion de Thomas Kuhn) fondé non pas sur la recherche de l'innovation mais sur des préjugés et des réseaux.
Schématiquement, on pourrait résumer leur modèle de pensée en 4 points :
1. Le cinéma-sujet, restreint à une production limitée qui traite d'un thème bobo sur les problèmes de couple, d'adolescence, de pauvreté ouvrière ou d'intégration nationale, sans implication de l'auteur dans la mise en scène comme dans le sujet est LE vrai cinéma. Le cinéma moderne, quoi, celui qui n'est pas construit, qui dit le vrai, montre la réalité (sic) à la bourgeoisie qui aime se rassurer de son bien-être devant l'étendue des problèmes du monde. De la complaisance polie en somme.
2. L'auto-congratulation du cinéma des copains ou de ceux qui ont déjà une réputation monolithique et qu'il convient de récompenser. Peu importe si ces cinéastes n'inventent plus rien ou régressent sur plusieurs points, ils bénéficient de la couverture assurance-presse qui va avec.
3. Le cinéma-artifice, fait de ce qu'ils pourraient appeler "fioritures", à la mise en scène intentionnellement démonstrative et cohérente avec le propos développé par l'auteur est LE mal. C'est le cinéma américain dans sa très large majorité qui n'a pas peur d'abuser du langage du cinéma, celui de l'image et du son, avant même de celui de la littérature.
4. Et puis, il y a des petits cinéastes qui développent un style mais tentent avec audace, quelque chose de différent, quitte à se ranger parfois du côté du cinéma "fabriqué" américain. Ils sont rares, mais souvent courageux parce qu'ils ont des grandes intentions - parfois brouillonnes - mais des moyens relativement modestes. Malheureusement pour ceux là, il faut choisir son camp, et ne pas regarder du côté de la catégorie 3. On ne peut pas être un auteur et un formaliste. La réalité du monde ne peut s'entâcher d'un parti-pris esthétique et d'un propos ambitieux.



Et voilà que Jaco Van Dormael a le mauvais goût de se retrouver dans la catégorie maudite. Celui qui est responsable d'un film bien français sur le problème de la maladie mentale (Le huitième jour) a eu le malheur de vouloir parler d'universalité et d'abstraction physique sur le monde et les humains, avec des stars internationales, le tout en anglais. Aïe.
Mais quelle mouche a piqué le cinéaste belge pour avoir cette envie subite de film amerloc, avec du futur, des gros buildings, des vaisseaux, de la planète Mars et des ados qui s'aiment ? Les journalistes s'interrogent encore sur cette idée saugrenue qui mêle les sentiments humains, le temps et le questionnement métaphysique, avec des sous et des images léchées. Quand on est un cinéaste respectée de catégorie 1, on aborde ces questions de manière "réaliste", dans l'univers d'une chambre d'appartement, avec des gens inconnus et mal habillés. Bah oui, la "vraie vie" (sic) ça se cueille, dans sa totalité, et ça se passe de réflexion, d'interprétation sur la manière dont  on y accède. C'est presque de l'incongruité, Jaco. Alors vous vous ferez pardonner en regardant religieusement deux films de deux cinéastes de catégorie 2: Smoking/No smoking et Le hasard. Message entendu.


M. Van Dormael, votre cinéma est malade, parce que pollué de recherche de positionnement de caméra, de lumière abstraite, de faux décors, bref d'une mise en scène qui cherche à donner du relief au cinéma, cet art du langage des images en mouvement. C'est surfait, pas assez désincarné et désossé de la fioriture américaine. Vos acteurs manquent de la rigidité habituelle des drames français qui évoquent les sentiments tout comme de l'écriture ampoulée qui convient à toute romance malheureuse évoquant des regrets. Révisez votre étalon en la matière : Un conte de Noël.
Comment osez-vous sous la houlette de maisons de productions francophones, dresser la terrible démonstration de l'instantanéité des moments de la vie, de manière si fragmentée et si déconstruite comme si la vie ne se voyait pas dans son ensemble, qu'elle ne pouvait être abordée sans montage et de manière holistique.
Quel est ce crime que celui de tenter de pervertir vos maîtres et compatriotes Jean-Pierre et Luc Dardennes, avec votre tentative de romance interdimensionnelle, alors qu'il n'y a qu'une dimension à rechercher : celle de "la vie à filmer". Vous devez renoncer au statut de cinéaste, comme celui d'artiste, c'est à dire renier l'implication personnelle, l'interprétation, la mise en scène. Vous devez faire de la mise en situation, et montrez à tous que la caméra et le cinéaste doivent disparaître pour montrer les sujets que personne n'a jamais vus.
Revenez dans le giron comme l'a fait un autre réalisateur américain qui a voulu abordé un thème similaire dans son The Fountain. Il n'y a pas d'élucubrations fantastiques dans la romance et l'introspection d'aujourd'hui. C'est bien connu, l'art du faux est celui de la publicité, pas celui des cinéastes. 
Le cinéma francophone n'a pas de privilège à discuter du temps et d'associer la relativité de l'existence humaine avec le parcours sentimental d'un homme ordinaire. Pourquoi utiliser l'amour comme point d'ancrage à votre réflexion sur le temps si ce n'est pour toucher les spectateurs dans leur condition d'homme et de femme, tout âge et race confondus.
Non décidemment, M. Van Dormael, vous accumulez les tares de tous ceux qui cherchent à faire du cinéma le véhicule d'émotions intentionnellement construites par un metteur en scène qui cherchent à communiquer avec son public. Votre travail participe au renforcement de l'idée même que le cinéma est affaire de fabrication, d'invention, de voyages, aussi loufoques, tourmentés et abstraits puissent-ils être.
Au nom de toute la critique traditionnellement reconnue dans ce pays, je souhaite que votre Mr. Nobody sombre dans l'indifférence et l'anonymat qui sied parfaitement à votre personnage principal. Par ici la sortie (sic) ...

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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 17:45

best of 2009 so far

Après quelques jours de réflexion et de digestion, mon best-of 2009 est enfin prêt. Pas forcément définitif, mais assez mûr pour être publié et commenté. Il faut dire que l'exercice n'est pas facile car l'année 2009 a été plutôt bonne. Contrairement à ce que laisse entendre notre ami Startouffe (dont la déception relève davantage de sa sévérité accrue que de la disette cinématographique 2009), sur les 63 films sortis en 2009 (34 au cinéma et 29 @home) que j'ai vus, près d'un tiers m'ont laissé un souvenir mémorable.

Le premier fait marquant de cette année est la place très importante occupée par le cinéma d'animation. Sur les 10 films que j'ai sélectionnés dans mon Top 10, 3 sont des films d'animation (4 dans le Top 15). C'est une première en ce qui me concerne, et j'imagine que je ne dois pas être le seul parmi les cinéphiles du monde entier à avoir littéralement craquer sur des petits bijoux comme Mary et Max, Coraline ou plus proche de nos contrées nord-européennes : Panique au village. Les studios Pixar nous ont encore gratifié d'une pépite qui vieillira aussi bien que son personnage principal malgré ce que peuvent laisser croire les mauvaises langues. (rrr)

Les déceptions ont été bien évidemment du côté des metteurs en scène préférés. Parmi ceux-ci, Michael Mann avec son Public enemies très vide dans son propos. Sa mise en scène peu inspirée ne nous rappelle en rien le talent fou de celui qui a réalisé l'expérience Collateral ou Heat.
Ma deuxième déception de l'année est le film encensé de Jacques Audiard Un prophète, qui a secoué la planète cannoise et la blogosphère cinéphile, si l'on en croît les différents sites gérés par Allociné et consorts. Alors, j'assumerais bien solitairement cette négativité dans ce titre, qui pour moi est davantage du ressort du cinéma-sujet qu'on a déjà eu l'occasion de discuter sur ces pages, que de l'exercice de cinéma. Si Audiard n'est peut-être pas les Dardennes, il invente peu dans la langue cinéma, et exulte surtout à montrer un universel très peu exposé dans le cinéma français : la maison carcérale. Faisant fi ou presque de l'expérience sensorielle et psychique que représente la vie en prison, Audiard a choisi d'aborder la prison et l'existence du prisonnier sous l'angle de la construction des réseaux et des clans. C'est un choix personnel discutable tant il aurait été judicieux de sensibiliser le public par une imagerie plus audacieuse.Toujours est-il que l'on se faufile de pièce en pièce un peu comme le vent qui s'engouffre à travers les portes entrouvertes. On file, mais on ne s'arrête pas ou peu, la faute sans doute, à un pouvoir de captivité visuelle des plus faiblards. Il y a peu d'investissement dans l'interprétation des acteurs et peu d'entrain dans leurs convictions. On a reproché à Audiard son manque d'originalité par rapport à la série TV Oz (créée par Barry Levinson et diffusé sur HBO). Or, Un prophète n'a justement rien à voir avec Oz et sa puissance qui jaillit des dialogues entre détenus. On vit, on tremble, on souffre avec plus de conviction dans la série américaine que dans le film français.
 

Après avoir étalé les amertumes de 2009, passons enfin à la liste des nominés. Sur les 10 films suivants, 3 ont gravé une place indélébile - ou presque - dans mon panthéon personnel. Les 7 autres se disputent la hiérarchie sans parvenir à faire respecter un ordre de passage.


Slumdog Millionaire
1. Slumdog Millionaire de Danny Boyle

Depuis sa sortie en janvier dernier, ce film n'a jamais quitté mon esprit. Danny Boyle a montré une nouvelle fois qu'il était un formidable producteur d'émotions purement cinématographiques. Contrairement à tant d'autres réalisateurs, il a le talent précieux de conjuger cinéma avec expérience sensorielle. Le cinéma est un un espace qui transporte, qui émerveille, qui brutalise, qui émeut. Sa force, sa puissance résident dans ce formidable moteur qu'est le cinématographe, c'est à dire cette machine à mouvement qui a tant fait vibrer le coeur et la raison des spectateurs depuis des décennies.
Slumdog ce n'est pas un scénario, mais une mise en scène envolée, énergique qui est une expérience de vie abracadabrantesque mais pas moins vraie dans les émotions des hommes. Aucun ressort littéraire dans sa construction si ce n'est le principe usée de la féérie, mais une véritable histoire d'images et de son qui racontent par eux-mêmes ce déluge de bons et mauvais sentiments. Slumdog, c'est le cinéma dans tout ce qu'il a de plus grand et fort : c'est un véritable morceau de vie fabriqué pour démontrer que les films sont des oeuvres créées non pas par des caméras mais par des artistes de la caméra.





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2. Jusqu'en enfer de Sam Raimi

Présenté hors compétition au festival de Cannes, Jusqu'en enfer a fait parlé de lui. Certains journalistes ont même suggéré l'idée que si ce dernier avait été parmi les "palmables", il aurait pu décroché un titre. Alors pourquoi tant d'estime ? Et bien, les vieux de la vieille (qui a dit moi ?) ont suivi avec intérêt la montée en puissance d'un cinéaste né dans les litres de plasma homemade. Le créateur de la trilogie mythique Evil Dead, du tonqiue et déjanté Mort sur le grill (écrit par les frères Coen) et du peu connu mais très bon Darkman revient au genre qui l'a rendu célèbre : l'horreur. Et il faut bien avouer que Sam est un maître de la dure espèce, celui qui n'est pas impressionné par la vague de torure pornographique qui a déferlé avec Saw-cisse et bientôt Saw-sette. Plus qu'un plaisir coupable de cinéphile nostalgique de l'horreur old-school, Jusqu'en enfer est une véritable leçon de cinéma. Sam Raimi montre que l'horreur ne se conjugue pas nécessairement avec hémoglobine et pièges sadiques à la con. Les ressorts du film d'horreur ont bien plus à voir avec la qualité de la mise en scène, du montage que de la qualité de l'histoire à proprement dite. Susciter l'effroi est un exercice très difficile tant les clichés ont été usées au moins jusqu'à disparition de la pellicule. Il faut revenir à l'essence de ce qui fait peur : mettre le spectateur dans la peau du personnage. Prendre plaisir à le faire sursauter comme on prend plaisir à faire souffrir son actrice. Et il faut bien avouer, que dans ce registre, Sam Raimi excelle ! La petite Alison Lohman mimi tout plein est le jouet fétiche du réalisateur. Avec son allure bonhomme et sa naïveté navrante, elle est la poupée vaudou idéale pour planter sa caméra. Et puis, il y a la Sam Rami's touch, ce côté comédie horrifique que tant d'amateurs d'Evil Dead et de Bruce Campbell attendait le retour. Le rire comme bouclier face à l'horreur et la peur, voilà la recette bien comprise par tous les maîtres de l'horreur. Faire rire ou faire peur, c'est un talent en soi ; faire rire et peur, c'en est un autre, qui est doublement périlleux, surtout quand la comédie horrifique devient potache et kitsch. Et bien Jusqu'en enfer, c'est le rire et la peur en même temps, au sein de la même poussée émotive. Un moment de pur plaisir horrifico-goro-comique parfaitement orchestré qui constitue une prouesse rare et hautement louable ! Un pur moment jouissif de cinéma qui marque d'une pierre blanche l'année 2009 !




grantorinog3. Gran Torino de Clint Eastwood


La fin d'année 2009 a été marquée par l'intromission d'un débat politique et sociétal particulièrement houleux : "l'identité nationale". A droite comme à gauche, les diatribes ont été nombreuses, mais rares ont été les interventions pertinentes. Curieusement, c'est un film américain sorti au début de l'année qui aurait pu être une formidable démonstration sur ce qu'est l'identité nationale, voire du nationalisme "doux", moderne.
Ce film très académique dans sa réalisation n'est pas moins empreint d'une très belle leçon de vie, quand il n'est pas tout simplement le testament autobiographique d'un homme au passé riche, regardant dans son rétroviseur pour mieux proposer ce qui sera, pour lui et le reste de ses compatriotes occidentaux, un exemple du comment vivre ensemble.
Clint incarne un "Average Joe" (Américain moyen) patriote convaincu, acariâtre et rigide sur les traditions et le respect de l'ancienneté. Ce patriotisme exacerbé est exercé par un américian d'origine polonaise, entouré d'autres Américains anciennement Italiens ou Irlandais, appartenant aux générations pionnières de l'immligration. La tension raciale n'est finalement qu'un quiproquos sur ce qui pourrait constituer le sentiment d'appartenir à une nation : l'attachement à une terre, l'échange et la compassion pour ses congénères. Avec toute la fragilité qui lui est du, Clint brosse un portrait moderne de l'Amérique pour toutes les générations. Un grand film, une force tranquille.





panique.jpg4. Panique au village de Vincent Patar et Stéphane Aubier


4ème film du classement mais 1er film d'animation et 1ère très grosse surprise de l'année. Je ne connaissais absolument rien des réalisateurs, de ce qu'ils avaient auparavant produit, et rien de ce que cet OVNI racontait.
Panique au village est un film réjouissant et épuisant. C'est le petit Michel Gondry qui joue avec ses jouets en ayant pris de la méthamphétamine (celle de Walter White de Breaking Bad). Epuisant, parce qu'il n'y a aucune régularité, aucun cycle qui facilite la compréhension et repose votre cerveau. C'est un univers d'enfant qui ne respecte aucune convention sociale ou physique. C'est d'ailleurs cette liberté qui donne à ce film son côté absolument jouissif et rassurant quant à la bonne santé des artistes de cinéma.
Le film d'animation a ce privilège de pouvoir dire absolument tout dans un univers qui s'affranchit finalement de l'incrédulité des spectateurs. Contrairement à un film dirigé et mis en scène par le biais d'acteurs dans un décor à portée humaine, l'animation peut transgresser toutes les limites physiques pour exprimer des thèmes et un discours plus important sans que celà gène le public. Et on peut dire que dans le genre, nos deux réalisateurs se sont clairement amusés ! Il n'y a de limite à leur créativité que celle de la durée et de la capacité des spectateurs à la supporter.
C'est un véritable festival d'actions, de sens, de mots qui forment un imbroglio qui n'a de sens que dans le monde des enfants. C'est l'anarchie créatrice infantile portée aux yeux des Grands. Indiens et cowboys sont amis, vivent avec un cheval parlant avec l'accent belge dans un univers où villages, monde aquatique et polaire se franchissent par des puits ou échelles. Un film incroyable, le rêve de tout enfant et de tous ceux qui aiment découvrir des artistes libres !
Hautement recommandé !



district.jpg5. District 9 de Neill Blomka
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Tout a été dit ou presque sur ce blockbuster de l'année. Un très grand film qui démontre qu'il est tout à fait possible de conjuguer science fiction et fantastique avec le verbe réfléchir. C'est un film qui réussit là où tant d'autres ont échoué : série B, action fun, drame humanitaire. Et puis il y a cette excellente première partie qui pose avec brio les principes du rapport à l'image. Neill Blomkamp démontre, que sous l'artifice de la forme documentariste, n'importe qui est prêt à croire n'importe quoi. Une piqûre de rappel à tous ceux qui pensent que le documentaire donne Le vrai quand le cinéma, celui à grand spectacle, n'est qu'action décérébrée et rammassage de billets verts.
 




mary-et-max.jpg6. Mary et Max
de Adam Elliot



Deuxième film d'animation dans ce classement, et autre très belle surprise de cette année. Un film qui a une vraie personnalité visuelle et narrative, guidée par une photographie très inspirée. Alors, c'est imple, il s'agit sans doute de l'un des films qui parle le mieux de la maladie mentale. Excepté Birdy de Alan Parker et Clean, shaven de Lodge Kerrigan, chacun dans un registre différent, le film de Adam Elliot a l'audace d'évoquer les relations lointaines mais naturellement dérangeantes entre un malade américain et une petite fille australienne. Jamais complaisant ni provocateur, c'est un film qui est émouvant et drôle, décalé et noir. Injustement mal distribué dans les salles françaises cette année, ce film mérite toute votre attention à l'occasion d'un visionnage en DVD ou mieux, en Blu-ray, dont la sortie est prévu début février.


morse
            
7. Morse de Tomas Alfredson


Décidément, le début d'année 2009 a été généreux avec les cinpéhiles. Après l'énergie bouillante de l'Inde (Slumdog), le mois de février a été dominé par une froideur suèdoise bien particulière : celle du vampirisme infantile de Morse. Contrairement à un autre film célèbre tourné dans le froid de l'Oregon  mais beaucoup plus frileux sur la représentation des émotions et des sentiments amoureux, le film suédois est un poème mélancolique et macabre qui touche juste à chaque plan. Les marques architecturales, matérielles du communisme d'antan participent à cette drôle de nostalgie maladive qui contaminent nos deux chérubins. Car, et c'est là la grande force du film, les enfants qui tiennent l'affiche de ce très beau film ont infiniment plus de grâce et d'impact  sur le pathos des spectateurs que nos deux jeunes ados qui s'émoustillent vainement devant la caméra de Catherine Hardwicke.
PS: Pas sûr que je me fasse beaucoup d'amis auprès des ados... aïe




noces-rebelles_300.jpg8. Les noces rebelles de Sam Mendes

Je ne reviendrais pas plus amplement sur ce que j'ai déjà écrit l'année dernière au sujet de ce film, mais il est clair qu'avec le recul, le dernier bijou de Sam Mendes se pose d'une certaine façon comme le film le plus mature et précieux sur la représentation de la famille nucléaire américaine post-WWII. C'est d'ailleurs un excellent complément à Mad Men pour représenter l'évolution du couple au cours des années 1950-1960. Un très beau film qui a marqué d'une pierre blanche cette année 2009.






la_haut.jpg9. Là-haut de Pete Docter

Pete Docter a marqué nos esprits avec le brillant Monstres & cie sorti sur les écrans en 2001. Un film pour Petits qui parlent aux Grands ayant eu un large retentissement à travers le monde. Son nouveau film est aussi en quelque sorte une réflexion sur le monde des adultes par les yeux d'un enfant devenu Grand. C'est le retour d'expérience d'un vieil homme sur l'instantanéité du temps et des choses d'une vie. Le propos est profond et très émouvant dès l'ouverture du film si bien qu'on se demande par ailleurs comment il va pouvoir tenir la durée. La deuxième partie du film est certes moins universelle et réflexive, mais elle permet de s'aérer et de doucement ricaner des bêtises un peu has been de nos héros. Un excellent film qui ne démérite en aucun cas le label Pixar qui s'est formé une solide réputation au fil des années.




inglorious-basterds.jpg10. Inglourious basterds de Quentin Tarantino



Malgré tous ses défauts de narration, le film de Tarantino est un trésor de complexité et de talent de mise en scène. L'ouverture du film est une grande leçon de cinéma, quand le film tout entier est une réflexion sur le(s) cinéma(s) et leur manière de communiquer différemment au spectateur. C'est un film qui ne supporte aucun classement ni catégorie, sauf celle peut-être, du méta-cinéma.
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2 janvier 2010 6 02 /01 /janvier /2010 13:08
happynewyeaer4.preview.jpgUn petit billet rapide pour vous souhaiter à tous mes voeux les plus sincères. Passé l'essentiel (santé, réussite), j'espère que l'année cinématographique 2010 sera réjouissante pour tous les cinéphiles que nous sommes !

Et comme à l'accoutumée, pour clôturer l'année 2009, je ferais un petit classement rétrospectif des oeuvres qui ont eu le mérite de faire parti de mon Top 10.  N'hésitez pas à glisser le vôtre dans les commentaires.


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2 janvier 2010 6 02 /01 /janvier /2010 12:47
Clones Bruce Willis
Il y a des films qui promettent beaucoup mais n'honorent rien. Il y en a d'autres qui ont de petites ambitions, ou du moins, énoncent un projet simple et ciconscrit et qui remplissent correctement leur contrat. Le film de Mostow est de ceux-là. C'est un blockbuster qui a essuyé injustement un gros échec au Box-Office US et international. Adapté d'un comic-book dont l'ambition est réelle mais mesurée, le film ne tombe pas dans la médiocrité de tous les films qui ont la prétention d'être de la science-fiction. L'intrigue et le propos du film n'ont rien de démesurés, mais tout est bien mené et jamais ennuyeux. On pense au I,Robot d'Alex Proyas  ni totalement anodin ni totalement mémorable, mais qui a une certaine personnalité, et surtout, qui recouvre une intention sincère et modeste. Alors certes le film est terriblement frustrant dans son développement SF, mais il serait profondément injuste de le bouder face aux méga supercheries nanardesques et honteuses comme 2012. Faites vous plaisir !

PS : Ne vous fier pas à ce titre français absolument faux et réducteur. Le titre original "Surrogates", traduits par "substituts' est beaucoup plus adéquat. Mais je n'en dis pas plus.
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30 août 2009 7 30 /08 /août /2009 11:26
        Quentin Tarantino suscite de vives réactions dans la communauté cinéphile. D’aucuns lui vouent un véritable culte depuis le succès interplanétaire de Pulp Fiction. Ses partisans voient en lui le cinéaste-cinéphile qu’ils ne seront jamais. L’employé d’un video-store pote de Roger Avary (Killing Zoé, Les lois de l’attraction) est devenu le parfait exemple du self-made man du cinéma. C’est aussi et surtout LE geek du cinéma à faire fantasmer toute la communauté de jeunes ados cool à partir du milieu des années 90. Cependant, le personnage est loin d’être fédérateur.
C’est une icône parfaitement décriée par une autre tranche de cinéphiles horripilés par l’homme au débit de mitraillette, le flambeur m’as-tu-vu du cinéma de genre, l’égocentrique démesuré des festivals. Le principal grief adressé à l’artiste est celui d’être un pilleur de cinémas. Ses détracteurs lui reprochent de pomper allégrement le cinéma B et Z et d’avoir fonder son originalité et sa notoriété sur la méconnaissance du public des œuvres originales. Une sorte de « malhonnêteté » qui reste en travers de la gorge de certains amateurs du cinéma bis.

    En découvrant Inglorious Basterds, j’ai réalisé à quel point il était difficile de se cantonner à cette idée, tant son cinéma est complexe et intéressant. La personnalité de son art cinématographique se trouve quelque part dans l’espace qui s’établit entre les cinémas, les genres, les catégories (A, B et Z). D’une certaine manière, Inglorious Basterds est la démonstration construite et argumentée de ce qui fait de lui un auteur et non un compilateur.
La première chose qui surprendra tous ceux qui suivent la carrière du cinéaste est la grande sobriété de la mise en scène. Jackie Brown mis à part, on n’avait pas vu une telle réserve dans la direction des acteurs et le contrôle des espaces depuis les débuts du cinéaste. Dès l’ouverture, les plans en grand angle de la campagne donnent le ton. Tarantino sait où placer sa caméra, mais pas de n’importe quelle façon. La discussion qui s’entame dans la chaumière paysanne confirme la grande maîtrise du réalisateur. Tout est millimétré et pensé. La qualité des dialogues ont toujours été une force chez le réalisateur. Pas de longues diatribes envolées et gonflées aux hormones comme dans Boulevard de la mort, mais des répliques pesées et sèches comme un coup de trique. Les mouvements de la caméra sont limités mais les changements de focale sont utilisés pour construire la tension entre les personnages et le quiproquo de la situation. Les codes sont ceux du western. Que ce soit lors de la scène d’ouverture que pendant l’altercation dans la taverne, l’intensité des regards et l’aspect un peu factice des matériaux sont en décalage avec les principes des règles édictées par Hollywood concernant les films de guerre et les sujets sensibles comme la Seconde guerre mondiale.
Le réalisateur joue avec les codes de l’académisme cinématographique. A l’opposé de Walkyrie (2008) qui avait peu de distanciation par rapport à son sujet, Tarantino lui, fabrique un film qui de toutes pièces sent le surfait. Le cadre n’est pas réellement historique. Qu’importe, l’attention est portée sur l’interaction des personnages et la précision dans la manière de dépeindre les protocoles sociaux en vogue parmi la société allemande nazie. Le découpage de l’histoire en chapitres n’est pas nouveau. Cependant, contrairement aux films précédents, la cohérence du récit et des genres entre ses chapitres est relative. L’originalité du film tient sans doute à cet imbroglio d’intentions artistiques qui ne peuvent qu’être sciemment pensées pour mieux servir la cohérence de la démonstration. En cela, le récit (la manière dont est construire l’histoire et non le film) n’est pas au service du propos de l’auteur contrairement à la mise en scène et au montage.

    Un film anti-académique ? Inglorious basterds n’est pas qu’une simple diatribe contre les conventions, bien au contraire. Le notoire cinéphile de Tennessee offre au spectateur les références classiques du cinéma de l’époque. Le censuré Corbeau d’Henri-Georges Clouzot côtoie les films muets allemands (G.W Pabst, et l’acteur Emil Jannings, connu pour son rapprochement avec les idées nazies). Tarantino invite le spectateur à se pencher sur ce cinéma comme source d’inspiration pour réfléchir sur les sociétés de l’époque. Ces films d’auteurs sont devenus de nos jours l’adage de la culture des élites, en opposition avec le type de culture mis en valeur dans les films du cinéaste.
La logique semble alors évidente. Le bis peut-il, avec sa farce potache et sa grossièreté des traits, rencontrer et dialoguer avec le cinéma d’auteur pour servir des fins communes ? D’une certaine façon, Inglorious basterds est un exemple de dialectique possible entre les cultures et les cinémas.
La grande réussite de Tarantino et de son dernier film n’est pas de faire découvrir tout un pan de cinéma très lointain des préoccupations du grand public. Il est difficile de lui reprocher de n’être qu’un revanchard de la médiocrité (les séries B et Z sous les feux de la rampe de la série A). Il y a beaucoup de cinéastes dont son acolyte Robert Rodriguez qui le font tout très bien. Néanmoins sa grande qualité réside dans « l’étagement » de la réflexion de son film, et sa manière de faire communiquer les cinémas, les codes. C’est un cinéma qui se regarde faire, composer et qui réfléchit à la manière de rassembler et de fédérer les sensibilités de chacun d’entre nous. Une sorte d’œcuménisme cinématographique, l’intention doctrinale en moins.
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11 avril 2009 6 11 /04 /avril /2009 09:59

Mark Wahlberg aurait affirmé* que le flamboyant plasticien Darren Aronofsky serait admiratif du cinéma des frères Dardenne. Une phrase de cet acabit a de quoi terrasser les détracteurs du cinéma de la pornographie sociale (mes amis me comprendront). Découvrir cette information après la projection de The Wrestler est préférable pour éviter de recourir à l'ingestion d'anxiolytiques. On aurait pu craindre le pire : un esthète artificialiste partant à la rencontre du minimalisme poisseux et faux jeton de nos amis wallons, il y a de quoi en perdre sa foi dans le cinéma. Oui, le  cinéaste prometteur de Brooklyn s’est inspiré de cette formule, et oui, il a transcendé littéralement les enjeux de ce type de cinéma.


A la sortie The Wrestler, me voilà rassuré. Bah oui, Aronofsky ne nous a pas joué son grand inquisiteur du cinéma documentaire qui se veut vrai, empreint de la vérité, et cachant son écriture et sa construction. Il a fait un film sincère, authentique certes dans la manière de capter respectueusement et sobrement l’émoi et les turpitudes de l’Amérique profonde, mais surtout il ne cesse jamais de nous montrer que ce cinéma est écrit, et qu’il n’est pas du faux documentaire niant l’artifice et la construction pure de l’artiste. Le procédé formel est en dialectique avec l’écriture ; les raccourcis, en phase avec le cadre.


Le monde n’a de sens seulement quand on le personnalise. Non seulement le vrai ne se cueille pas, mais plus encore, il ne se copie pas à l’écran en s’offrant au spectateur par quelque dissimulation que ce soit de sa construction. Les auteurs sont des hommes qui (dé)forment volontairement la réalité pour offrir une vision, une manipulation qui leur parle. Nous ne sommes touchés que lorsque justement, on se sait manipulé par un auteur, et mieux encore, quand on manipule ce monde avec lui. Qu’y a-t-il de plus triste que le monde tel que veulent nous offrir les chroniqueurs médias et autres radios d’informations anxiogènes ? Pour donner de l’envie d’avancer, d’écouter, de partager, il faut que ce monde soit volontairement faussé et assumé artistiquement.

Je remercie des artistes comme Mickey Rourke et Darren Aronosfky de jouer les grands manipulateurs de notre monde, et surtout de nous rappeler que l’essentiel au cinéma n’est pas forcément de raconter le sujet qu’on ignore, mais plutôt de nous montrer comment raconter une chose qui nous est mitoyenne mais qu’on n'aurait jamais vue de cette façon.

*Entretien récent paru il y a quelques mois dans la presse cinémtographique française.

 

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11 mars 2009 3 11 /03 /mars /2009 08:15
Dans un livre paru l'année dernière et dédié au cinéma d'horreur, Paul Duncan propose une nouvelle expression pour qualifier un type de cinéma qui est né d'un besoin de spectateur sans intention artistique évidente. L'auteur appelle cela de la torture pornographique, un courant initié par des films commerciaux qui n'ont d'autres motivations que de satisfaire la soif d'images extrêmes. Toutes les séquelles qui ont suivi Saw ne font que confirmer l'aspect vénal de la chose au détriment d'une véritable singularité de message et de forme.

Le film de Pascal Laugier est une entreprise qui a peu à envier (sic) avec les films cités. Pire encore, sa roublardise est peut-être plus nauséabonde dès lors qu'on se pose comme film de genre auteurisant. Il est vain de vouloir définir ce qu'est un film d'auteur, mais il est question bien souvent de message, d'investissement personnel, de liberté de ton et de forme.
Martyrs peine à rentrer dans ce cadre car il n'a déjà rien à raconter. C'est une succession de plans sans saveur qui font du choc de la violence un credo, une idéologie. J'entends déjà le haro des amateurs de genre qui me soulignent cette magnifique escroquerie du message sur la martyrologie. Non seulement Laugier n'a rien à montrer, mais il n'a également rien à dire. Peut-on vraiment affirmer avec sérieux, de sa part comme des critiques, que le film aborde intelligemment le thème complexe du martyr et de son martyre ? Trois lignes de dialogues sur la transfiguration, un plan sur une nénette agonisant avec les yeux livides  tournés vers le ciel suffisent-ils à cela ? Non. Des effets ridicules et grossiers comme celui d'un zoom dans l'oeil qui doit faire comprendre au spectateur la blancheur et la lumière de la transcendance du martyr sont-ils autre chose que de la facilité racoleuse ? La prétention du cinéaste à vouloir traiter d'un sujet délicat n'a d'égal que la lourdeur, la vulgarité et le kitschissime du message et de sa forme.

La mise en scène ne sauve pas les meubles. Le réalisateur comme ses fans me rétorqueront sans doute que ce minimalisme est loin des standards des films américains cités précédemment. Il faut les croire, le cinéma minimaliste qui croît désespérément faire accéder au réel par la négation même de la création d'un espace, d'un cadre artistique est le véritable cancer du cinéma d'auteur francophone. Les vrais films (sic) sont donc ceux qui font croire qu'ils ne sont pas putassiers et donc plus "vrais".
Peut-on faire moins que le minimalisme ? Oui,  se contenter pour mise en scène de décors et de personnages in situ. Le minimalisme est surement l'adversaire de la variation des procédés, de caméra, de lumière.  Un plan de pleurs, un fondu. Un coup, un fondu. Un pipi, un fondu. Un hématome, un fondu. Les 15 ou 20 minutes consacrées au martyre de la jeune fille sont d'une pauvreté artistique qui ferait pouffer de rire Mark Lester et n'importe quel cinéphile se lançant dans la réalisation d'un court-métrage.
Martyrs a suscité de grands débats quant à son interdiction au moins de 18 ans et sa non-distribution dans les salles de cinéma. Fort heureusement pour Pascal Laugier, cette médiatisation a eu le privilège de maquiller la grande vacuité de son film. L'interdiction avait presque du bon. C'est vrai, ça devrait être interdit d'être aussi nul, prétentieux et hypocrite.
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